Les Contes de Terremer

Aoi Teshima - "La Chanson de Theru" (version musicale)

Tamiya Terashima - "Dragons"

J'avais entendu beaucoup de mal du premier film de Goro Myiazaki, Les Contes de Terremer. Il faut dire que comme tous les "fils de" l'homme était attendu au tournant. Mais j'avais du mal à croire que les irréprochables studios Ghibli investissent dans un projet si lourd juste pour faire plaisir au fils du patron. Alors, un matin pluvieux, j'ai laissé ma sociologie du spectacle de côté et je suis allé juger sur pièce. Première constatation, le style graphique est dans la lignée directe de Myiazaki Sr. Niveau thématiques, on est dans le conte fantastique avec chevalier débutant, maître énigmatique et princesse paysanne. Bref, jusque-là c'est un peu comme si le fils de Woody Allen tournait une comédie dramatique à New-York avec du jazz dans la bande-son! Mais ce n'est pas peu dire car les premières minutes (qui nous plongent directement dans l'action, schéma courant aussi chez le père) tiennent tout à fait la route. Peu après, l'oeil averti remarque tout de même une animation moins détaillée, et un trait moins fin qu'à l'accoutumée. Les décors, par contre sont absolument splendides.

Mais bientôt, ce sont les différences qui se révèlent. Myiazaki Jr impose un style qui ne cache pas ses références mais affirme sa singularité. Laquelle? Hé bien le film est beaucoup plus noir que n'importe quelle production Hayao. Là où Sr privilègie toujours la métaphore ou la parabole, même et surtout quand il met en scène des monstres, les personnages de Jr sont névrosés (quand Harren a "les yeux fous", il est schizophrène et ressemble à un junkie), défigurés, cibles des dealers de drogue (explicitement) et des marchands d'esclaves. Harren est aussi un personnage intéressant car très passif. Au tout début du film il commet le parricide et ensuite, tout héro qu'il paraisse, il ne fait en vérité que se laisser flotter, tel un pénitent éternel, une âme damnée. Bon, on est pas non plus dans Seven mais, par exemple, le grand méchant obsédé par la mort qui se décompose littéralement en hurlant des plaintes fera cauchemarder plus d'un gamin. Autre différence, le score est signé Tamiya Terashima, et non Joe Hisaishi. Et ça fait une sacré différence! Malgré le culte que je voue à Joe, impossible de ne pas souscrire au choix du réalisateur. Entre le magnifique chant de la petite princesse (je vous défie de ne pas tomber amoureux, même un peu!) et les envolées lyriques qui rapellent le Seigneur des Anneaux mais décompléxé et avec plus que deux thèmes qui passent en boucle, le public composé de moi a été conquis et vous propose d'ailleurs deux titres au téléchargement (ça se passe en haut à droite mais chuuut).

Terremer s'inscrit dans une tradition balisée mais remplit son contrat avec brio (avec qui?). C'est vrai que le scénario est un peu faible, mais pas parce que simplet, au contraire les relations entre les personnages sont très touffues. On sent malheuereusement qu'entre le roman fleuve dont le film est tiré et le scénario, beaucoup de coupes ont été (mal) faites (on pense au syndrôme Dune de David Lynch).

Au final, Goro Myiazaki n'a pas encore tout d'un grand mais des premiers films comme ça on en redemande! J'ai passé deux heures complètement hors du temps, j'en ai pris plein les mirettes et les oreilles, et j'ai retrouvé le petit supplément d'âme et de poésie qui fait la marque de fabrique de papa Myiazaki, mais que lui a mis du temps à construire. Si l'on compare Horus, prince du soleil, premier film du maître, à Terremer, la victoire est sans appel pour le second, ce qui ne fait qu'augurer du meilleur pour la suite! Verdict: A ne pas manquer si vous aimez le genre, sinon revenez pour le deuxième!

Comments

[Antoine]

Etrangement la critique que je viens de faire sur mon blog ressemble beaucoup à la tienne! Je vois que tu as été sensible aux même détails que moi (animation de moins bonne facture que d'habitude, tres belles musiques, etc..). En tout cas ton blos est trèss sympa, j'y reviendrais avec plaisir!